"MARABOUCRATIE" AU SENEGAL

Le lobby confrérique, un frein à la démocratie

De tous les temps, les marabouts– guides spirituels–, ont beaucoup apporté pour la stabilité sociale dans ce pays profondément religieux. En témoigne la situation actuelle du Sénégal, qui reste jusqu’à présent, l’un des rares pays africains, à ne pas connaitre le spectre des coups d’états sanglants, que l’on constate un peu partout dans ce continent, de guerres civiles ou autres troubles graves de l’ordre public. Ces marabouts ne sont pas les seuls à contribuer à l’instauration d’un climat de paix et d’entente cordiale, il y a aussi d’autres guides religieux, de confession catholique – Le regretté cardinal Hyacinthe Thiandoum en fut un exemple de son vivant, et tout le monde se rappelle les relations fraternelles qu’il entretenait avec la famille musulmane des Tall d’obédience omarienne, avec comme guide religieux Thierno Mountaga Tall, qu’ils reposent en paix–, protestantes mais aussi d'autres dignitaires  qui sont aussi influents. Tout cela pour dire qu’au Sénégal le syncrétisme religieux est une réalité. A Joal ville native de l’ancien président de la république Léopold Sédar Senghor existe un cimetière, où sont enterrés catholiques et musulmans et d’autres lieux tout aussi symboliques. Cette entente religieuse fait partie de la vie sénégalaise, et il faudra le préserver de manière éternelle. Que l’on soit musulman, catholique, protestant, animiste ou agnostique, on demeure et l’on reste sénégalais. Alors pour mener cette pirogue, notre pirogue – Sunù=notre et  gal= pirogue en langue nationale du pays le wolof–, toutes les confessions sont les bienvenues, pourvu que le souci majeur demeure l’intérêt national. J’en viens maintenant à ce qui se passe actuellement dans ce pays, à savoir l’implication débordante et manifeste des politiciens dans la religion – ce qui n’est pas d’ailleurs nouveau dans la sphère géopolitique sénégalaise, Senghor,Mamadou Dia Lamine Gueye  et bien d’autres ont fait l'expérience–. Il est vrai que chacun est libre de pratiquer sa religion comme il l’entend, de choisir son guide religieux, si cela peut l’aider dans sa spiritualité, – conformément à l'article premier de la constitution: la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans discrimination d'origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances–. Mais le problème qui se pose c’est quand les hommes politiques  animés par des intérêts et calculs politiciens  se tournent vers ces guides religieux pour asseoir leurs bases politiques, au mépris de toutes convenances républicaines, et du respect des citoyens, devenant ainsi des otages politico-religieux au service des marabouts. A chaque élection, c’est le branle bas vers ces porteurs de voix, qui n’hésitent pas à dire ouvertement aux fidèles, de voter pour un tel sans discernement. Tel n’est pas  le cas pour tous les dignitaires religieux, d’autres sont impliqués dans des entreprises  sociales et humanitaires, comme la lutte contre l’illettrisme, l’appel aux fidèles pour vacciner les populations etc. – l’imam El Hadj Hassane Cisse, petit fils de Cheick Ibrahima Niass, disciple de la branche niassène de Kaolack appartenant à la Tariqa (voie de salut de l’âme) des tidjanes, en est un exemple pour avoir reçu une distinction du Rotary club international, pour son rôle dans l’éradication de la poliomyélite en Afrique principalement au Sénégal et au Nigeria. Il y a aussi l’implication du khalife Général des Mourides (confrérie musulmane située au Sénégal et en Gambie avec comme ville sainte Touba, fondé par Cheikh Ahmadou Bamba, théologien) Serigne Saliou Mbacké dans la mise en valeur des terres, afin d’augmenter la production  de la culture arachidière (voir l’ouvrage de Copans, Jean, Les marabouts de l’arachide (la confrérie des Mourides et les paysans au Sénégal), Paris, L’Harmattan, 1988) etc. Force est de constater, que les guides religieux non musulmans sont plus discrets envers leurs fidèles, et se mêlent rarement de la politique.

Etre un homme politique, c’est être au service de la cité, des citoyens  de toutes les confessions, mais surtout être au-delà des  querelles religieuses, en adoptant une attitude républicaine. La liberté de culte est un droit privé certes et en tant que tel, les politiciens doivent observer un minimum de réserve et ne pas s’afficher publiquement. Le président Senghor avait su préserver cette entente, malgré son appartenance à la religion chrétienne et paradoxalement avec la forte présence de la communauté musulmane (plus de 80% environ de la population). C’est une habitude maintenant au Sénégal pour les musulmans, de célébrer l’Aïd El Kébir ou l’Aïd El Firth (fêtes religieuses), deux ou trois fois dans l'année, puisque chaque confrérie décide du jour de la fête, malgré la mise sur pied d’un comité représentant toutes les confréries    chargé de statuer sur les fêtes musulmanes. La conséquence est bien sûr économique, avec la perte de dizaines de milliards, pour des jours fériés officieux,  . Les villes sont paralysées, puisque les fidèles désertent les lieux de travail, les services de transports en commun fonctionnent au ralenti, ce qui donne des allures de ville morte.  

 

 


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Version imprimable | Actualités | Le Lundi 27/08/2007 | 2 commentaires


Commentaires

AMraboucraties et Mafia politico religieuses

onjour,

Je trouve votre introduction un peu édulcorée au regard de ce que je sais de l'influence des Marabouts au Sénégal. Ainsi il est bien connu notamment que le Marabout de Mbacké de la région Dijlon est un personnage assoiffé de pouvoir, vraiment très riche et auprès duquel l'actuel président trouve un appui financier quasi indispensable à son maintien au pouvoir.

 

En outre l’on sait aussi pertinemment que ces Marabouts entretiennent une islamisation bien particulière où ils tiennent place de guru, ils restent certes respectueux de la laïcité mais dans un pays à 97% musulman, ça ne signifie pas grand-chose.

 

En outre le système scolaire adopté par ces pouvoirs plus ou moins occultes relève très nettement pour une large majorité de l’endoctrinement de la population en réduisant la qualité des contenus éducatifs et en favorisant l’implantation d’écoles coraniques et activités attenantes au détriment d’une culture diversifiée et ouverte garante de l’appropriation des savoirs utile au discernement.

 

Ainsi des amis présents dans le secteur constatent une radicalisation des relations entretenues entre les différents groupes socio-culturels et un abaissement significatif du niveau culturel marqué par un accroissement du matérialisme et, malgré les interdictions religieuses d’une augmentation de l’alcoolisme et de la délinquance.

 

Le contexte de hausse des prix et de raréfaction du travail risquent à terme d’engendrer des conflits sociaux graves et mettre un terme à cet état laïc qui fait la fierté de ce pays africain où l’on note une forme d’exception culturelle. Exception fruit de la diversité des langues, ethnies et religions vivant en paix en son sein.

 

Alors au-delà des apparences d’une stabilité, je souligne le pouvoir écrasant et tout puissant de ces marabouts qui induisent une sous culture qui a terme forme des générations de fanatiques asservis à leur volonté. Ce qui n’a là rien de très reluisant, ni de très positif pour l’avenir.

 

Respectueusement vôtre,

Cédric André

 


Cédric | Le Mercredi 17/10/2007 à 17:06 | [^] | Répondre

Re: AMraboucraties et Mafia politico religieuses

Bonjour,

Tout à fait, je ne manquerai pas de vous répondre le plus rapidement possible. merçi pour ces remarques pertinentes.

Sincèrement

 


bangalicisse | Le Mercredi 17/10/2007 à 17:53 | [^] | Répondre